Le chamanisme
est une des plus anciennes pratiques spirituelles de l’humanité,
entendons par pratique spirituelle une façon de créer et d’entretenir le
lien entre le visible et l’invisible, entre le terrestre et le divin,
entre l’univers et l’être humain. Les anthropologues en ont retrouvé des
traces qui remontent jusqu’à plus de 60 000 ans dans tous les coins du
monde tant en Orient qu’en Occident. Le terme chamane (chaman pour les
Français) provient de la langue des Tongas (Sibérie) et signifie «la
personne qui voit dans le noir» et «la personne qui guérit».
DEVIN ET GUÉRISSEUR
Dans
les communautés chamaniques traditionnelles, le chamane était la
personne qui entretenait un lien continu avec le monde de l’invisible,
les forces de l’univers ou la divinité. Il ou elle entrait en état
élargi de conscience et, dans cet état, communiquait avec le monde de
l’esprit pour obtenir des informations ou des guérisons pour lui-même
(elle-même), pour une autre personne ou pour la communauté au complet
puis, les rapportait dans le monde dit ordinaire. La divination et la
guérison étaient les deux principaux aspects du rôle du chamane (chaman)
dans la communauté.
Ainsi, par exemple, chez les Innus, le chamane pratiquait une méthode de lecture d’une omoplate de caribou pour deviner les endroits propices à la chasse. Il plongeait l’omoplate dans les flammes et, après être entré en état de conscience chamanique, «lisait» les craquelures que le feu avait provoqué sur l’os pour connaître les emplacements des troupeaux de caribous. En Chine, les chamanes (chamans) lisaient des écailles de tortues de la même façon. De tout temps et partout sur le globe, les chamanes (chamans) ont lu les éléments naturels et les ont interprétés pour répondre aux questions qu’ils se posaient pour assurer la survie et le bien-être de la communauté, d’une personne ou la leur.
Le chamane était aussi la
personne qui s’occupait de rétablir et de maintenir la santé globale des
gens de sa communauté. L’être humain était considéré comme un tout et
la guérison s’effectuait par la voie spirituelle autant que par la voir
physique. Le chamane entrait en communication avec les esprits pour
connaître la cause du mal et le rituel à effectuer pour aider la
personne à guérir.
CHAMANISME CONTEMPORAIN
Michael Harner, un anthropologue des Etats-Unis à l’origine de la Foundation for Shamanic Studies (FSS)
basée en Californie, a étudié les sociétés chamaniques dans le monde
entier. Il a d’abord été initié à la pratique par les Indiens Conibos et
Jivaros. Ensuite, il est entré en contact avec des chamanes de la
Sibérie, de l’Australie et d’autres parties du monde. Il a retiré de
tout cela une pratique presqu’universelle qu’il appelle en anglais «core
shamanism», qu’on pourrait traduire par «l’essence du chamanisme» ou «les fondements du chamanisme» et qui rassemble ce qu’il a trouvé de commun à toutes ces cultures chamaniques du globe. En fait, ce chamanisme
contemporain que lui et les enseignants de la FSS diffusent à travers
le monde est une pratique transculturelle dénuée de toute couleur
culturelle et adaptée à notre société occidentale contemporaine.
Harner
explique qu’aujourd’hui encore, le travail du chamane consiste à entrer
en état de conscience élargi pour accéder au monde non ordinaire
(l’invisible) et en rapporter dans le monde ordinaire des informations
et des guérisons. C’est ce qu’on appelle dans ce contexte le voyage
chamanique.
Le voyage chamanique n’est pas une transe profonde.
C’est une transe légère à moyenne qui garde le praticien conscient de
son environnement tout en étant très concentré sur ce qui se passe dans
le voyage. Si, par exemple, le téléphone sonne pendant le voyage, le
praticien l’entendra et peut alors décider de revenir et de répondre ou
de continuer son voyage.
La durée du voyage dépend du voyageur et du
moment où il comprend qu’il a reçu ce qu’il était venu chercher, soit,
en général, entre une minute et trente minutes. Le voyage se passe en
dehors du temps et de l’espace ordinaire. Il est guidé par l’intention
du pratiquant au départ. L’intention est la partie contrôlée par le
voyageur, le reste dépend de l’esprit, des esprits invoqués pour
contribuer au succès de la démarche.
TAMBOUR ET HOCHET
Si vous décidez de consulter un ou une chamane près de chez vous, il y a de bonnes chances que vous tombiez sur une personne qui fera un voyage chamanique pour vous au son du tambour. Le son monotone du tambour battu à quatre à sept battements à la seconde aide le praticien à entrer en état de conscience chamanique et à maintenir cet état. C’est ainsi dans 80% des pratiques chamaniques sur le globe. Ce battement caractéristique contribue au changement dans les ondes du cerveau et facilite ainsi le «départ». Il se peut aussi que cette personne se serve du hochet autour de vous ou autrement pour faciliter son travail.
Au
retour de son voyage, le (la) chamane pourrait vous racontera son
voyage ou vous simplement vous communiquer les informations pertinentes.
S’il y a lieu, comme c’est en général le cas, et après vous en avoir
fait part, le ou la chamane procédera au rituel de guérison que les
esprits lui auront indiqué pendant le voyage.
SANTÉ ET POUVOIR
D’un point de vue chamanique, la santé est une question de pouvoir personnel, c’est-à-dire cette faculté de composer avec ce qui est, avec les possibilités, pour son bien-être. Le pouvoir personnel rejoint donc l’être dans tous ses aspects: physique, émotif et spirituel. Lorsque la maladie apparaît, c’est qu’il y a eu perte de pouvoir, perte d’essence (ou perte d’âme) ou qu’il y a intrusion (des intrus).
De ce point
de vue toujours, l’être humain qui vient au monde possède un ou
plusieurs animaux de pouvoir (parfois appelés animaux totems). Ces
esprits d’animaux protègent la personne et lui permettent de vivre
sainement. Sans la présence de ces gardiens, les êtres humains ne
feraient pas long feu sur cette planète. Les vertus attribuées aux
animaux de pouvoir constituent les atouts de la personne pour vivre sa
vie dans le monde ordinaire. Mais il peut arriver qu’un ou plusieurs de
ces animaux de pouvoir quittent la personne pour différentes raisons.
C’est ce qu’on appelle la perte de pouvoir. Parmi les symptômes de la
perte de pouvoir les plus courants on retrouve les maladies chroniques,
les tendances suicidaires, la malchance chronique et les états
dépressifs.
Le travail de guérison du chamane consiste alors à
faire un voyage chamanique au cours duquel il ou elle part à la
recherche de l’animal de pouvoir perdu dans la réalité non ordinaire
pour le rapporter dans la réalité ordinaire et l’installer à nouveau
dans la personne.
L’être humain qui se crée, au moment où il se
crée, à l’instant où son «âme» arrive en ce monde est un être unique et
complet. Il possède une identité propre qui lui permettra de vivre la
vie qu’il est venu vivre sur cette planète. C’est ce qu’on appelle
l’essence (ou âme) de la personne. Le pouvoir personnel permet
d’actualiser cette essence.
Lors de traumatismes, de chocs,
de stress, un des aspects de cette essence peut quitter la personne pour
préserver son identité. Par exemple, lors d’un accident, des aspects de
la personne quitteront le corps pour protéger la personne d’une trop
grande souffrance. Lorsque la personne revient à elle, il se peut qu’un
ou plusieurs aspects soient demeurés dans la réalité non ordinaire, trop
loin pour revenir d’eux-mêmes ou perdus. Les signes de perte d’essence
sont à peu près les mêmes que ceux de la perte de pouvoir: maladies
chroniques, dépression chronique, tendances suicidaires, dépendances,
etc. et souvent accompagnés d’un sentiment de dissociation.
Le
travail de guérison du chamane consiste donc encore à se rendre dans la
réalité non ordinaire à la recherche de l’aspect (ou des aspects)
d’essence perdu, de le ramener dans le monde ordinaire et de le
réinstaller dans le personne. La personne formée au recouvrement d’essence (recouvrement d’âme ou Soul Retrieval)
peut également assurer un suivi et aider son receveur à réapprendre à
vivre avec ses aspects retrouvés, à casser les modèles de comportement
qui s’étaient installés pour compenser la perte d’âme et à faire appel à
sa créativité pour créer sa propre réalité.
Lorsqu’il y a
perte de pouvoir ou d’essence, cela crée un vide. Il se peut alors
qu’une intrusion s’installe pour combler ce vide. L’intrusion n’est pas
une mauvaise chose en soi. C’est simplement parce qu’elle est mal placée
qu’elle affecte la personne qui l’accueille. Les projections émotives
des personnes de l’entourage peuvent être à l’origine d’une intrusion.
On peut également se provoquer à soi-même des intrusions en réprimant
des émotions. Au nombre des symptômes d’intrusion vous retrouvez les
douleurs localisées, les incapacités physiques, émotives, mentales, et
les symptômes de maladies chroniques. Le travail du chamane consiste
alors à détecter dans le corps de la personne malade les intrusions et à
les déloger pour les retourner aux forces d’amour de l’univers.
Souvent, ce travail de nettoyage sera suivi d’un recouvrement de pouvoir
ou d’essence et d’un renforcement de l’âme.
EFFICACITÉ
Traditionnellement,
le chamane effectuait les guérisons au fur et à mesure. Il ou elle
connaissait les membres de sa communauté et lorsqu’un incident ou un
accident se produisait, le chamane pouvait remédier à la situation sur
le champ. Lorsque survenait un cataclysme naturel, un accident de
chasse, un décès ou quoi que ce soit, le chamane réparait les dommages
au fur et à mesure. Aujourd’hui, les chamanes doivent composer avec des
maux et des traumatismes qui datent parfois de plusieurs dizaines
d’années.
Comment le chamane sait-il que son travail est bon ? Il le voit au bout d’un certain temps dans les changements qui surviennent chez la personne qu’il a traitée. Au contraire de la loto qui «ne change pas le monde», le chamanisme produit des changements. Ce travail utilise les forces positives de l’univers pour le bien des personnes et de la communauté. Tout travail effectué par la voie spirituelle rejoint les autres aspects de la personne et les effets physiques et émotifs deviennent sensibles à plus ou moins long terme selon chaque personne traitée.
ÉTHIQUE
Le bon chamane ne fera de travail pour une autre personne que lorsqu’il aura clairement obtenu son consentement.
Par Loumitea, pour vitalité Québec Mag 2001